Pan Tau a tisíc zázraků, (Monsieur Tau et mille merveilles), écrit par Ota Hofman, illustrations et graphisme de Jiří Šalamoun, typogarphie Milan Kopřiva, éditions Albatros, 1974.
Jiří Šalamoun (1935-2022) suit des études à l'Académie des beaux-arts de Prague de 1952 à 1956, puis part à Leipzig pour suivre un cursus à l'École supérieure des arts graphiques et du livre de 1956 à 1960. Il commence sa carrière en tant que graphiste dans une revue sur le dessin pour enfants, ce qui le passionne. Au milieu des années 60, il entame une collaboration de plus de vingt ans avec la revue de cinéma Filma Doba, en tant que graphiste, aux côtés de sa femme, Eva Natus-Šalamounová (1936-2018), une artiste allemande d'envergure, illustratrice. Il s'amuse avec la typographie, utilise diverses polices et tailles de caractères pour en exploiter la puissance artistique, et insère parfois des éléments dessinés par lui-même.
À cette époque, la Tchécoslovaquie vit une période de relative liberté, un communisme "à visage humain", et tous les domaines de l'art sont en ébullition, notamment la "nouvelle vague" du cinéma tchèque. En travaillant pour de nombreuses éditions, dont Československý spisovatel et Mladá Fronta, il rencontre d'autres graphistes et illustrateurs talentueux, tels que Vacláv Sivko (1923-1974) et Milan Kopřiva (1929-1977). Ce qui est frappant, c'est la porosité entre leurs missions de graphiste et d'illustrateur. En d'autres termes, ils ne se contentent pas de faire de la mise en page, mais ils insèrent également leurs dessins.
En cette période communiste, la télévision d'État a besoin de produire du contenu conforme aux directives gouvernementales. Pour les enfants, la série Pan Tau (Monsieur Tau), un conte de fée moderne d’Ota Hofman (1929-1989), est diffusée à partir de 1973. La construction et certaines atmosphères sont calquées sur le modèle des feuilletons américains tout en conservant leur valeur et leur identité propre. En 1974, la novélisation aux éditions Albatros, Pan Tau a tisíc zázraků (M. Tau et mille merveilles), est illustrée par Jiří Šalamoun, et Milan Kopřiva se charge de la typographie. Šalamoun en fait un livre pop en mélangeant les éléments communs et triviaux. Il est fasciné par la culture américaine, dont il a pu mesurer l'envergure à l'Exposition universelle de Montréal en 1967. Il utilise des aplats de couleurs délimités par des traits noirs, similaires aux affiches réalisées par les artistes américains du Push Pin Studios. Les couleurs sont saturées, fortes, puissantes et lumineuses, comme des néons d'enseignes. Le regard est hypnotisé par ces éléments massifs. Il utilise également une typographie manuscrite pour créer des éléments de décoration ou d'enseigne. Il situe et encadre des objets incohérents à une taille surdimensionnée dans des paysages et des villes, créant un effet psychédélique.
Le texte est composé en colonnes, comme dans les journaux, avec quelques photos du film placées à la fin de l'ouvrage, il leur accorde peu d'importance. Pourtant, des éléments identiques, tels que les dés, la bille et les engrenages, réapparaissent dans d'autres de ses ouvrages. En réalité, Šalamoun entame des discussions et les poursuit d'un livre à l'autre. Il possède un vocabulaire de formes artistiques, de symboles et de personnages. Des échos de discussions intérieures propres à lui-même apparaissent dans son travail, offrant une lecture singulière du monde. Cette année-là, une chronique sur son travail paraît dans la revue Graphis (N°168, 1973-1974), aux côtés de Milton Glaser (1929-2020), fondateur avec Seymour Chwast du Push Pin Studios (la couverture étant réalisée par André François). Šalamoun illustre une centaine de livres, réinventant à chaque fois son dessin, son univers et son style graphique. Il est également affichiste pour le théâtre et le cinéma, réalisant des génériques de films animés et collaborant avec le cinéma d'animation. "Mon approche du film reste la même que mon approche du livre. Je ne peux pas et je ne sais pas accompagner une intrigue avec des images ; je suis plus un commentateur qu'un illustrateur (Jiří Šalamoun, Possibles visions du monde, éditions MeMo 2021, p. 287