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Na naší peci dějí se věci! Na plotně naší v pekáčích straší (Il se passe des choses étranges dans notre fourneau ! Notre four est hanté), Pohádka s obrazy - vypravuje Tobiáš Eliáš Tisovský (Un conte de fées en images raconté par T.E Vytovski), édions E. Weinfurter1, 1924. La première édition date de 1912 (en petit format et illustré).

1 - E. Weinfurter est une librairie, un magasin d'images et une maison d'édition. Elle a été fondée par Eduard Weinfurter en 1899, et son activité a cessé en 1948. La maison d'édition était orientée vers la littérature technique, commerciale et économique, les manuels pour les écoles professionnelles et la fiction, la littérature pour la jeunesse. Elle publiait principalement des ouvrages en langue tchèque et quelques ouvrages en langue allemande. Elle éditait dès le départ des ouvrages pour enfants : livres d'images, poèmes et contes de fées, jusqu'à des histoires d'aventures. Les livres destinés aux enfants étaient tous illustrés par des artistes tels que Václav Čutta, Jan Dědina, Rudolf Mates, Artuš Scheiner, Karel Šimůnek, Otakar Štáfl, Karel Vítek, Oldřich Vlach, et plus tard Zdeněk Burian, Pavel Černý et Jaroslav Malý. Malheureusement, il n'existe pas de catalogue de sa production !

Dans un cadre réaliste, T.E. Tisovský nous invite à une flânerie féérique, un conte de fées. Les humains affrontent des situations complexes parfois dues à leur ignorance. Au final, ils sont secourus par des êtres enchanteurs (fées et lutins), des légumes et des champignons (des cèpes2). T.E. Tisovský introduit aussi avec ingéniosité des personnages de la mythologie tchèque comme Krakonoš. En résumé, c'est un conte de fées parfois un peu effrayant mais qui sait apaiser les peurs grâce à l'action de personnages féériques et mythologiques. Tout cela est ponctué par quelques proverbes tchèques. Et tout commence, pour mon plus grand plaisir, dans la cuisine.


Ce conte est délicieusement vieillot ! La construction en images de cet album est particulièrement intrigante. Je ne sais pas si c'est l'auteur qui a donné des indications précises à l'illustrateur ou si ce dernier a eu l'idée de construire la narration visuelle de cette manière, mais c'est ingénieux !


Un simple coup d'œil à la couverture suffit pour comprendre que nous n'avons pas affaire à un livre pour enfants traditionnel ! Les casseroles et la bouilloire sont personnifiées. Elles sont généreuses par leurs formes arrondies et malicieuses par leurs regards. Elles possèdent des pieds pour nous inviter à suivre leurs aventures. Au second plan, les pommes de terre dans la casserole sont captivées par le récit.


2 - Le cèpe est le champignon national tchèque, sa cueillette est un sport pratiqué à haut niveau. En tchèque, il y a un verbe et un vocabulaire très précis pour dire « cueillir des champignons » : Houbařit, « le cueilleur de champignons » se dit Houbaři et « la cueillette des champignons » Houbaření. Petit vocabulaire rassemblé par Pascale Parry, merci !

3 - Krakonoš ou Rýbrcoul (en allemand Rübezahl, en polonais Liczyrzepa) est un esprit mythique des montagnes, qui sous diverses formes protège l'ensemble des Monts des Géants des chasseurs de trésors avides, des braconniers et autres mécréants. Il évoque pour moi la délicieuse bière de la ville de Trutnov.

L'incarnation humaine des différents éléments est drôle tout en restant élégante. La personnification des ustensiles et des légumes et des cèpes2 ne me semble pas singulière pour l'époque. Des artistes du XIXe siècle comme Edward Lear et Granville s'amusaient avec les animaux et les plantes ! Aux États-Unis, T. Benjamin Faucett nous régalait de personnifications de fruits et légumes.


Dès la première page, les principaux personnages de ce conte sont mis en place : les ustensiles culinaires (récipients, casseroles, poêle, faitout, four, poêle à bûches) et d'autres objets comme la pendule. Les enfants n'apparaissent que sur la deuxième page pour signifier leur second rôle.


Des bruits étranges de casseroles sur le fourneau naissent une histoire terrible de sorcières qui aiment perdre les enfants, pour se régaler de leurs cris. Mais la gentille fée sait réconforter les enfants perdus avec une bonne soupe qui les rend si forts qu'ils chassent la méchante sorcière ! Certainement une fée de la cuisine.

Les histoires s'enchaînent et rebondissent sur la poêle de la première page dans laquelle les œufs au plat grésillent. L'elfe les fait frire. Il nous apprend aussi que même si les œufs de Pâques en chocolat semblent meilleurs que les œufs de poule, il ne faut pas se moquer d'eux car de ces œufs naissent de jolis poussins.


À chaque nouvelle aventure, un élément particulier de la première page est mis en scène ! Un récit graphiquement très malin !

En bref sur l'auteur :

Tobiáš Eliáš Tisovský (1863-1939) passe ses années scolaires à České Heřmanice et Vysoké Mýto. Il obtient un diplôme de l'enseignement supérieur de Litomyšl, puis de l'Université technique tchèque de Prague. Il travaille quelque temps en tant que chimiste dans une sucrerie à Městec Králové. En 1892, il rejoint la Direction financière de l'État en tant qu'auditeur-contrôleur comptable., puis plus tard, le conseil de contrôle en chef et est devenu directeur. Entre 1892 et 1910, il travaille au bureau des impôts de Tábor, puis jusqu'à sa retraite à Prague.


En parallèle, c'est un auteur prolifique pour adultes et enfants, et il réalise des traductions. Il écrit surtout des nouvelles et des histoires pour les adultes, et des contes de fées pour les enfants. Au tournant des XIXe et XXe siècles, la plus grande partie de sa fiction est consacrée à la culture spécifiquement tchèque et à son folklore en relation avec la nature et les mythes. Dans un décor du quotidien, il joue avec l'anthropomorphisme et la personnification des objets. Il brouille les pistes en utilisant des pseudonymes : Vlk Tisovský et Hvězda Jaromír. Ce dernier est surtout utilisé pour les traductions d'ouvrages pour enfants. En 1906, il a traduit le Baron Prášil4 illustré par Miloš Slovák, qui est paru en format album illustré en 1923, un an avant Na naší peci dějí se věci ! Na plotně naší v pekáčích straší. En 1911, il traduit Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf.


Au cours de sa vie, il écrit une cinquantaine d'ouvrages, dont une dizaine pour enfants, mais pour l'instant, je ne sais toujours pas s'il a une activité d'illustrateur. Donc, le mystère reste entier en ce qui concerne les illustrations, mais j'ai quelques hypothèses sur lesquelles je travaille.


4 - En 1906, première traduction de Baron Prášil (Baron de Crac / Le baron de Munchausen) de T.E Vytovski sous le pseudonyme Hvězda Jaromír. En 1921, parution en album illustré par Miloš Slovák, aux éditions Šolc a Šimáček.











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