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Dům u pětiset básníků (La Maison des Cinq Cent Poètes), écrit et illustré par Alois Mikulka, graphisme Viktor Šafár, éditions Krajské Nakladatelství (Brno), 1964.

Alois Mikulka illustre son premier livre pour enfants en 1961. Trois ans plus tard, il a déjà illustré une dizaine d'albums. Il utilise différentes techniques : le trait noir, les aplats de couleurs, les ombres. Mais pour ce dernier, il utilise une méthode dans laquelle il excelle : le pastel gras et les crayons de couleur. Pour certains de ses ouvrages, il ne réalisera que les couvertures et les pages de garde avec cette méthode. Mais celui-ci, Dům u pětiset básníků (La Maison des Cinq Cent Poètes), est bien différent : il est entièrement réalisé aux pastels gras et aux crayons de couleur.

 

Dès la couverture, le ton est donné : la maison des poètes est enfermée derrière des barbelés ! La typographie manuscrite est radicale. Les lignes ne sont pas droites, et le contour des lettres dessinées est grossier. Le texte est séparé par des lignes de croix rappelant des fils barbelés. Un personnage au trait enfantin est placé en bas à gauche, faisant face au sigle de la maison d'édition KN et à la ville de Brno.

Au dos de la couverture, une maison aux multiples pièces fait penser à un château. Que ce soit sur la couverture ou au dos, l’espace blanc est presque saturé.

 

Alois Mikulka manie avec brio la narration dès les pages de garde, et cet ouvrage en est l'une des plus belles démonstrations. La page de garde d’ouverture est saturée d’une nuit bleutée traversée d’avions, de bateaux et de tanks militaires. Les couleurs sont saturées, le trait est naïf, épais, et pourtant, malgré la maladresse apparente du dessin, un équilibre, une énergie et une compréhension se dégagent. Ici, il sera question de guerre, de militaires qui amènent avec eux la nuit et la noirceur. Les pages de garde finales, en revanche, montrent un ciel lumineux éclairé par un soleil souriant et rigolo. Ses rayons arrondis apportent de la joie et de la douceur. Le ciel est traversé par des oiseaux dessinés maladroitement, et un personnage portant une couronne est représenté. Mais qui est-il ?

 

Dès le premier coup d'œil aux pages de garde, on sait qu’il sera question d’un temps malheureux, mais que la joie reviendra à la fin.

 

L’histoire est assez délirante, loufoque, et un tantinet mièvre. Mais le burlesque l’emporte sur la légèreté. En résumé, c’est l’histoire d’une garnison et de son méchant général qui se transforment en poètes humanistes. Une garnison de 500 soldats, dirigée par un général autoritaire et méchant, reçoit la visite d’une sorcière qui, après les avoir envoûtés par la diffusion d’un parfum, transforme tous les soldats en poètes. Un élément important est que la première chose qu’ils font en tant que poètes est de dessiner chacun leur emblème : une colombe. Le résultat est plus ou moins réussi, mais après découpage, elles prennent vie et s’envolent pour distribuer des messages : poèmes, chansons, comptines, anecdotes aux gens malheureux… Il sera aussi question d’une visite de 500 peintres et d’une grande fête, ainsi que du retour de la sorcière, qui, grâce à la poésie et à l'amour des soldats, devient belle.

 

Cette histoire grotesque est délicieusement accompagnée des dessins de Mikulka, aux traits gras et aux formes sommaires et simplistes. On pourrait les comparer à des dessins d’enfants naïfs. Pourtant, l'équilibre des formes et des couleurs, ainsi que la lecture des images, montrent que cet univers est trop bien pensé et défini pour qu'il s'agisse de l'œuvre d’un enfant ; il s’agit bien de celle d’un artiste. Par cette parodie, calquée sur des contes classiques et bécassins, Mikulka, à travers son propos et ses dessins, nous amène à la lisière d’une fable absurde pour enchanter le cœur, l’esprit et les yeux des enfants.

En bref sur l'auteur :

Alois Mikulka (1933) est un peintre, sculpteur, auteur et illustrateur joyeux de livres pour enfants. Après des études aux Arts appliqués de Brno, il étudie aux Beaux-Arts de Bratislava, d'où il sort diplômé en 1958. Il se concentre essentiellement sur la création artistique, la peinture et la sculpture. Le domaine de l’illustration occupe une place relativement réduite dans son travail de création. Cependant, il illustre presque une centaine d’albums, dont certains sont encore réédités. Il écrit, dessine et peint pour différents magazines tout au long de sa carrière (Mateřídouška, Sluníčko, Sedmička pionýrů…). Il vit à Brno ! Il refusera, tout au long de sa carrière professionnelle, toute ingérence extérieure (éditeur, galeriste…) dans son travail.


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